La plupart des livres édités à cette occasion tiennent du « journal de guerre » constitué des notes ou de la correspondance de poilus, mais cette période de commémorations a également mis en lumière de larges pans de la vie quotidienne des civils, notamment ceux qui étaient derrière le front, en zone occupée.
« A l’arrière de la Ligne Hindenburg – Témoignage d’une civile dans l’Aisne occupée » est un exemple très parlant de cette littérature bâtie sur les récits de simples civils pris dans la tourmente du grand conflit. Edité en septembre 2017 par la Communauté de Communes du Val de l’Oise, cet imposant pavé de quelques 570 pages retranscrit dans son intégralité le journal d’Henriette Moisson (1895 – 1996), jeune habitante d’Origny-Sainte-Benoîte où son père dirigeait une société de tissage. Henriette a 19 ans quand les Allemands s’installent à Origny. Plus tard, elle se mariera, aura 7 enfants qui lui donneront 26 petits-enfants. Tous auront à cœur de faire vivre son témoignage et de le faire connaître.
Ecrit au jour le jour, le journal d’Henriette a la force du récit brut et sans fard où tous les menus aspects d’un quotidien sous l’occupant sont abordés : les réquisitions, les restrictions, l’hébergement des soldats allemands, le travail forcé, les laisser-passer qu’il faut montrer dès qu’on sort du village, les amendes infligées pour avoir contrevenu aux règles de la Kommandantur, la peur au ventre de se faire fouiller et qu’on découvre ce morceau de pain blanc dissimulé sous son corsage, la rancœur et l’amertume qui s’accumulent. Pour autant, cette plume qui ne mâche pas ses mots ne manque pas de style et dans cet ensemble essentiellement factuel, transparaît une personnalité déterminée et un caractère bien trempé.
« A l’arrière de la ligne Hindenburg – témoignage d’une civile dans l’Aisne occupée », édité par la Communauté de Communes du Val de l’Oise.
« Au loin le canon tonne. Ici on fête les premiers coups de canon et nous, nous maudissons celui qui, sans pitié dirige ce carnage, celui qui depuis des années, travaillait et préparait l’invasion de notre pays, pour assouvir sa haine et son orgueil.
Cet homme qui fait chanter ses hommes sur la tombe de leurs frères, Guillaume, le Kaiser, si j’avais réussi à apprendre à haïr, je crois que de toutes mes forces je le haïrais !! Heureusement que ses soldats ne liront jamais ces lignes, du moins, je l’espère, sinon ils auraient vite fait de m’emmener à l’abattoir… et à coups de crosse sur le dos ! »