Dans ce poème intitulé « Il y avait devant la croix fichée en terre… » Louis Aragon évoque sa première mort… survenue à Couvrelles, à l’est de Soissons, le 6 août 1918 lors d’une terrible bataille.
Quelques jours plus tard, venu rendre hommage à ses compagnons tombés au champ d’honneur, l’immense poète fut stupéfait de découvrir son nom sur une croix du petit cimetière aménagé à la hâte.
De cet épisode guerrier, Aragon tirera trois poèmes : « Il y avait devant la croix fichée en terre… », « Secousse » et « Or nous repassions sur la Vesle… ». Décoré de la croix de guerre, Louis Aragon reste marqué par la violence extrême de la Grande Guerre qui réapparaîtra constamment dans son oeuvre. Il sera par la suite l’un des écrivains les plus actifs du dadaïsme puis du surréalisme jusqu’à sa rupture avec ce mouvement en 1931 quand il s’engage au Parti communiste français et adhère à la doctrine littéraire du réalisme socialiste.
Louis Aragon s’est éteint à 85 ans, le 24 décembre 1982. 64 ans après sa mort axonaise.
Il y avait devant la croix fichée en terre une bouteille
Dedans une lettre roulée à mon adresse Etait-ce vrai
Si c’était moi Si j’étais mort Si c’était l’enfer Tout serait
Mensonge illusion moi-même et toute mon histoire après
Tout ce qui fut l’histoire un jeu de l’enfer un jeu du sommeil
Comme s’explique alors ce sentiment d’une longue agonie
Et ma vie et le monde et qui pourrait jamais encore y croire
Tout ceci n’était que l’enfer qui jongle devant son miroir
Je suis mort en août mil neuf cent dix-huit sur ce coin de terroir
Ça va faire pour moi bientôt trente-huit que tout est fini
« Le roman inachevé » (1956)