Publié le 05 juillet 2023 - Mis à jour le

18 juillet 1918 : La seconde bataille de la Marne

Au printemps 1918 la situation sur le front occidental est difficile pour les armées alliées, qui voient l’armée allemande, renforcée par des divisions d’infanterie libérées du front de l’Est après le traité de Brest-Litovsk, mener de nouvelles offensives. Les Alliés vont devoir stopper ces offensives et rassembler des forces pour contre-attaquer et infliger une défaite décisive à l’Empire Allemand.

Le monument des ''Fantômes''

Stopper les offensives allemandes

 

L’Aisne n’est pas épargnée par la série d’offensives lancées par l’Empire Allemand : violemment bousculée par l’offensive allemande du 27 mai 1918 lancée par la VIIe armée allemande du général von Bœhn, la 6e armée française du général Duchêne est décimée sur le Chemin des Dames et la vallée de l’Aisne par 42 divisions allemandes.

Offensive à objectifs limités destinée à user et épuiser les forces alliées dans le sud pour avoir les mains libres dans le nord, le succès de cette attaque incite néanmoins le haut-commandement allemand à exploiter cette percée, ce qui contraint les troupes françaises au repli. Soissons tombe le 28 mai et pour éviter que la poche qui s’est créée dans le sud de l’Aisne ne s’élargisse, le général Foch, général en chef des armées alliées sur le front occidental, décide d’envoyer la 10e armée française du général Maistre dans la région de Villers-Cotterêts et la 5e armée française du général Micheler dans la région de Reims, cette dernière renforcée par le 2e corps d’armée italien.

Pendant ce temps, les armées allemandes continuent leur progression et atteignent la Marne le 30 mai, entrant dans Château-Thierry le 1er juin. Il faut attendre le début du mois de juin pour que les 2e et 3e division d’infanterie américaines les empêchent de franchir la Marne et lancent des contre-attaques locales. Durant tout le mois de juin, les attaques des divisions allemandes sont contenues tandis qu’une nouvelle offensive allemande se prépare. Le 15 juillet, l’armée allemande lance en effet son offensive du « Friedensturm » ou bataille pour la Paix, destinée à menacer Paris une nouvelle fois en attaquant les vallées de l’Aisne et de la Marne de manière frontale. Dès les premières heures la Marne est franchie et ce n’est qu’avec peine que l’attaque est enrayée entre Celles-lès-Condé, La Chapelle-Monthodon et Igny-Comblizy dans la Marne, empêchant l’armée allemande de Epernay à revers.

 

La contre-offensive alliée dans le Soissonnais et la vallée de l’Ourcq

 

Alors que les armées allemandes tentent encore de lancer des offensives destinées à ébranler le front allié, le général Foch donne l’ordre le 12 juillet aux armées françaises du secteur de se préparer à prendre l’offensive sur la poche qui s’est constitué jusque Château-Thierry. Pendant que la 4e armée du général Gouraud et la 5e armée désormais commandée par le général Berthelot devront tenir en Champagne et entre la Marne et Reims, les 10e et 6e armées se renforcent en toute discrétion entre l’Aisne et l’Ourcq en l’espace de trois nuits. Dans l’optique de cette contre-offensive le commandement est lui-même modifié : le général Mangin remplace le général Maistre à la tête de la 10e armée, et le général Degoutte est placé à la tête de la 6e armée en remplacement du général Duchêne, limogé pour ses erreurs commises le 27 mai 1918 sur l’Aisne.

En quelques jours, quatre corps d’armées renforcés de deux divisions d’infanterie américaines et une écossaise viennent composer la 6e armée du général Mangin tandis que la 5e armée du général Degoutte aligne deux corps d’armées et deux divisions d’infanterie américaines. Au total vingt-et-une divisions sont rassemblées par le haut-commandant allié en vue de la contre-offensive, dont l’objectif est clairement défini par le général Foch : atteindre la voie ferrée de Fère-en-Tardenois, la seule artère qui assure le ravitaillement des centaines de milliers de combattants allemands avancés dans la poche de Château-Thierry.

Le 18 juillet 1918 à 4h35 du matin, 2100 canons des 10e et 6e armées françaises ouvrent le feu sur les lignes de la VIIe armée allemande tenues par douze divisions sur un front de 45 km. Déployés pour la première fois sur le champ de bataille, des centaines de chars Renault soutiennent l’action de l’infanterie qui s’élance à l’assaut du flanc ouest du front allemand. Au nord, les troupes françaises progressent sur Audignicourt et Blérancourt tandis que le 1er corps d’armée bouscule les forces allemandes depuis Nouvron-Vingré jusqu’à Missy-aux-Bois, de part et d’autre de l’Aisne. De son côté, le 20e corps d’armée progresse sur Chaudun puis Sermoise. Enfin, le 30e corps d’armée s’élance de la forêt de Retz et repousse les troupes allemandes vers Saint-Pierre-Aigle puis Longpont tandis que sur sa droite le 11e corps d’armée remonte la vallée de l’Ourcq. Au sud de l’Ourcq, la 6e armée atteint quant à elle les abords ouest de Neuilly-Saint-Front, Courchamps, Licy-Clignon, Givry et Belleau.

 

 

En une journée, les divisions alliées ont remporté un succès considérable et les éléments les plus avancés de la 10e armée ont progressé de 9 kilomètres tandis que ceux de la 6e armée sont à 5 kilomètres de leur point de départ. La surprise est totale et le succès des troupes alliées oblige le haut-commandement allemand à envoyer en urgence six nouvelles divisions pour relever ses troupes épuisées, et commence à envisager un repli.

 

L’exploitation de la percée et la reprise de Château-Thierry

 

Il importe désormais d’exploiter la percée dans le Soissonnais et le Tardenois, ce qui est entrepris dès le 19 juillet, les forces alliées relançant leurs efforts en direction de Fère-en-Tardenois afin d’isoler un maximum de divisions allemandes dans le saillant de Château-Thierry. Le 19 juillet dès 4h du matin, l’infanterie alliée et les chars d’assaut s’élancent de nouveau tandis que la VIIe armée allemande jette dans la bataille ses dernières réserves dans le secteur pour se cramponner au terrain afin ne pas être prise à revers par les alliés. La tactique de l’armée allemande consiste alors à ralentir l’avancée des troupes alliées en se repliant de manière échelonnée, tout en laissant des arrière-gardes fortement dotées en mitrailleuses, afin de toujours offrir un obstacle à leurs adversaires contraints de progresser à découvert.

Toutefois l’effort des alliés ne faiblit pas, et la 10e armée du général Mangin atteint Courmelles, les abords ouest de Villemontoire, Parcy-Tigny, l’ouest du Plessier-Huleu, Rozet-Saint-Albin, tandis que la 6e armée du général Degoutte enlève Neuilly-Saint-Front, les hauteurs au nord-est de Courchamps et dépasse la ligne Priez-Givry. Face au succès de l’avance alliée, les états-majors des armées françaises espèrent même à plusieurs reprises pouvoir faire déboucher les divisions de cavalerie maintenues en réserve afin d’exploiter une percée et agir sur les arrières des armées allemandes, mais ils ne parviendront pas à le faire. Néanmoins, en deux jours, environ 17 000 prisonniers et 360 canons allemands sont capturés tandis que l’aviation alliée, omniprésente, abat 137 avions, incendie 23 drachens, et lance 123 tonnes de projectiles de jour et 86 tonnes de nuit.

L’objectif des alliés, la voie ferrée de Fère-en-Tardenois, n’est certes pas atteinte, mais elle est à portée de tir de l’artillerie française, ce qui suffit à contraindre la VIIe armée allemande au repli : dans la nuit du 19 au 20 juillet, l’armée allemande repasse la Marne et s’établit sur les hauteurs de la rive nord. Face à la menace grandissante de voir le front s’effondrer, le haut-commandement allemand déploie également une nouvelle armée face aux 10e et 6e armées sur le flanc ouest de la poche de Château-Thierry, la IXe armée du général von Eben. Toutefois si le dispositif défensif allemand est réorganisé, il est nécessaire de raccourcir le front. Dans la nuit du 20 au 21 juillet, Château-Thierry est ainsi évacuée par les troupes allemandes tandis que le 21 juillet au soir, la 6e armée du général Degoutte atteint les abords ouest de Mont-Saint-Père, Bézu-Saint-Germain et Brécy. Au sud enfin, le 1er corps d’armée américain traverse la Marne et repousse les forces les plus avancées de l’armée allemande.

 

La bataille du Tardenois

 

Pour le haut-commandement allié, après quatre années de guerre de position, le moment est venu de « quitter la défensive imposée par l’infériorité numérique et de passer à l’offensive » ainsi que le déclare alors le général Foch : un tournant dans la guerre est désormais atteint. S’appuyant sur la capacité des alliés à faire tourner les divisions pour sans cesse faire monter au front des troupes fraîches, l’offensive alliée est sans cesse relancée, avec toujours pour objectif de prendre de vitesse les troupes allemandes en attaquant sans relâche leurs positions dans le Tardenois.

Le 24 juillet, tandis que le 1er corps d’armée continue son effort sur la montagne de Paris et les plateaux au sud de Vauxbuin, le 20e corps continue vers Villemontoire et Tigny et progresse jusqu’aux abords de Buzancy le lendemain. Le 30e corps relance quant à lui ses attaques sur le plateau au nord de Beugneux tandis que le 11e corps libère Oulchy-le-Château mais est bloqué devant les mitrailleuses allemandes installées sur la butte Chalmont.

Le 26 au soir, et le 27, sous la pression franco-américaine qui menace Fère-en-Tardenois, nœud vital de communications, l’armée allemande décide de marquer à nouveau un mouvement de repli vers le nord, et reporte son front entre l’Ardre et l’Ourcq, laissant le champ libre à la 5e armée française qui lance ses escadrons de cavalerie à sa poursuite tandis que son infanterie reprend Villeneuve-sur-Fère, Fresnes-en-Tardenois et progresse au nord de Châtillon-sur-Marne. Devant le repli allemand, les ordres du commandement allié sont clairs : récolter les fruits de la contre-attaque lancée le 18 juillet et aller de l’avant, quelle que soit la fatigue des troupes, et empêcher l’armée allemande de se rétablir sur les plateaux au nord de l’Ourcq.

Le 28 juillet dans la matinée, le 11e corps prend la Butte Chalmont pendant que la 6e armée atteint l’Ourcq sur tout son front et la traverse. Fère-en-Tardenois est ainsi libérée par les hommes de la 62e division d’infanterie tandis que plus au sud les Américains de la 42e division ont davantage de difficultés. A la fin de la journée du 28 juillet, les éléments les plus avancés des troupes alliées tiennent les abords de Buzancy et ont atteint les lisières ouest de Tigny, la gare de Grand-Rozoy, et l’Ourcq jusqu’à Ronchères. La Marne était dégagée, et la voie ferrée Paris-Châlons-Nancy rétablie.

Ce premier succès n’est cependant qu’une étape, car il faut désormais, malgré la fatigue des troupes, enlever les plateaux du Tardenois et empêcher l’armée allemande de se replier sans pertes sur l’Aisne et la Vesle. Le 30 juillet, la 6e armée teste les positions allemandes sur tout son front mais se heurte à une vive résistance et la journée se passe surtout à récupérer de la fatigue des jours précédents.

La poussée vers la Vesle

 

Après avoir repris l’offensive avec succès et contraint l’armée allemande au repli, les armées alliées doivent cependant continuer leur effort, et reprendre des positions susceptibles de favoriser le développement de nouvelles offensives, c’est pourquoi le haut-commandement insiste pour qu’aucun répit ne soit laissé à leurs adversaires. Le 1er août à 4h45, la 10e armée relance donc son attaque et s’élance depuis le bois de Saint-Jean au nord de Grand-Rozoy jusque Servenay sur les positions allemandes, et réussit à progresser malgré une vive résistance de l’infanterie allemande soutenue par une aviation très présente.

Ce nouveau bond vers l’avant achève de convaincre le commandement allemand qu’un nouveau repli est nécessaire. A l’aube du 2 août, les avant-postes de la 10e armée trouvent inoccupées les positions allemandes qui leur font face, et ordre est donné d’avancer vers la vallée de la Crise. Le 20e corps d’armée libère Tigny et Hartennes et l’ensemble des forces alliées progressent, les troupes de la 11e division d’infanterie pénétrant dans Soissons dans la journée. Peu à peu la ligne de front se fixe à nouveau dans la soirée lorsque les troupes françaises arrivent à Sermoise ainsi que sur la rive sud de la Vesle à Ciry-Salsogne, Courcelles, Ville-Savoye et Fismes. De son coté la 6e armée atteint Loupeigne, Mareuil-en-Dôle et Cohan.

Au soir du 3 août 1918, il ne fait aucun doute que les troupes allemandes sont désormais déterminées à s’accrocher au terrain qu’elles ont préparé en amont, leur artillerie interdisant tout passage de la Vesle. En conséquence, la décision est prise de ne plus poursuivre l’offensive. En deux semaines, les 10e, 6e, 5e et 4e armées qui avaient participé à cette bataille avaient capturé 609 officiers et 26 413 hommes de troupes, les unités américaines avaient quant à elles fait prisonniers environ 8 000 hommes et les Britanniques environ 1600. La seconde bataille de la Marne était achevée : les Alliés et leur chef, général Foch, promu maréchal de France le 6 août, avaient su faire face aux offensives allemandes dans le sud de l’Aisne et contre-attaquer, infligeant une sérieuse défaite à leur adversaire et accomplissant la première étape vers une offensive finale qui contraindrait l’Empire Allemand à demander l’armistice.

Un monument national pour la Seconde Bataille de la Marne

 

Commandé par l’Etat au sculpteur Paul Landowski en juillet 1926, le monument national de la seconde bataille de la Marne est classé monument historique le 31 juillet 1934, et inauguré le 21 juillet 1935 par le président Albert Lebrun.  Ce monument en granit se décompose en plusieurs ensemble que l’on découvre en gravissant le site. La statue de la France, non loin de la route, symbolise l’espoir et la victoire, avec son bouclier protecteur sur lequel figurent des personnifications de la Liberté, de l’Egalité et de la Fraternité. Les quatre marches au centre de la butte Chalmont symbolisent ensuite les quatre années de guerre que les combattants ont traversées avant d’atteindre l’ensemble des Fantômes. Ce dernier représente huit hommes, les yeux fermés, cherchant leurs camarades disparus : une jeune recrue, un sapeur, un mitrailleur, un grenadier, un soldat colonial, un fantassin, un aviateur, et un jeune homme nu symbolisant le spectre de la mort sortant de son linceul.